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IV  (C)

 

 

 

le service militaire de Jébo ,

 

             de nov. 59 à Mai 62  

 

 

 question avant tout :

 

… "Algérie" , pourquoi as-tu pris, avec ta charogne de guerre, chez tous ces jeunes Français du Contingent, plus de 2 ans de leur belle jeunesse ? et, pour certains , leur vie ?

  

impossible d'oublier, pour toute cette génération:

 

  tous ces morts de la guerre , toutes ces souffrances, toutes ces populations déplacées , ces pieds-noirs chassés, ces harkis rejetés ! même ce pauvre Enrico Macias qui ne peut revenir chez lui !!! 

 

                                      °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 

 

 

Donc, voici  le récit de ce que fut pour " Jébo" cette "guerre d' Algérie" :

 

 et puis aussi d'autres situations plus ou moins agréables ...
en "opé " sur les ... "pitons" de Kabylie
   un montage pêle-mêle pour illustrer son périple militaire avec au loin sa marraine de guerre à laquelle il ne cessa de penser !
un montage pêle-mêle pour illustrer son périple militaire avec au loin sa marraine de guerre à laquelle il ne cessa de penser !

 

et depuis ? ...          le 27 février 14,  : l' Algérie est encore                                                                                   sur le devant de la scène ! 

 

eh bien, voilà qui nous éclaire !

le 5 mars ... laissons les considérations sur les aléas de la candidature du Pt Bouteflika

 

et en avant pour le récit sur les tribulations de notre Jébo !

 

« Un service militaire dans les années 60, en Algérie , classe 59 2/b »

( NB : nous avons rectifié le titre initial, choisi par Jébo, mais qui n'était pas approprié  :  "ma guerre d' Algérie ")

 

                                                --------------------

 mais ... d'abord, petit prologue pour " se remettre dans le bain":

 

Printemps 2010 : lu dans la presse et  voilà Jébo, reparti dans le souvenir  (  le bon et le mauvais ! ) :

« …. Vendredi 26 mars 2010  :  --- 26 mars 1962- fusillade Rue d'Isly :.

 18 mars 1962 Signature des accords d'Evian et début du processus de l'indépendance de l'Algérie,La semaine qui suivit fut marquée de violences de la part des commandos OAS....
Le 26 au matin les populations sont appelées à se rassembler et à se diriger vers Bab El Oued par la
rue d'Isly,pour mettre fin au blocus.Il s'agissait d'une manifestation pacifique,brandissant des drapeaux français, interdite par les autorités pour libérer les habitants de Bab Bel Oued et leur apporter réconfort .Plus de quatre mille personnes,hommes femmes et enfants.Vers 14 heure la foule se heurte à un barrage militaire composé d'hommes du 4emeRégiment de Tirailleurs Algériens,23 hommes sous les ordres du sous-lieutenant Ouchène Daoud .Des coups de feu partent d'une terrasse,(on ne sait toujours pas qui a tiré,les uns disent l'OAS,d'autres parlent de  barbouzes???)les tirailleurs répliquent par un feu nourri,c'est la panique,malgrè les "halte au feu"les corps tombent ,fauchés.... On relève 46  morts et plus de 200 blessés civils,dont vingt meurent de leurs blessures et un militaire tué et dix blessés..... »

 

 QUELLE AFFAIRE !  Et Jébo, lui, il en dit quoi de tout ça ! Va-t-il se souvenir ? À la question que je lui pose,  c'est, sombre, qu'il me répond :

 «  ...oui,  souvenir ô combien désagréable! Pour ma part, à cette époque, j'avais quitté l'Algérie et me trouvais encore hospitalisé à l' H.m. Desgenettes de Lyon, où j'avais été rapatrié sanitaire au début de février 62 ; ce ne sera, d'ailleurs, qu' à la  fin avril suivant  que je serai libéré de mes obligations militaires, soit après 30 mois de "présence sous les drapeaux",  selon l'expression consacrée ! 

Alors, imaginez ce que nous avons souffert moralement, ce jour-là, mes camarades de chambrée  –d'hôpital -- et moi, en écoutant les reportages « radio » ….Et aujourd'hui, c'est encore une grande tristesse, qui m'incite à vous raconter comment j'ai vécu ces  douloureux événements  . 

 

Et, pourtant , au début, fin 59, c'était un certain enthousiasme qui régnait en Fac de droit de Lyon ... on y fanfaronnait :

--  on va aller en Algérie !

( certains d'entre nous -- des guerriers  -- ajoutant :  -- " y casser du fell" ! )

 

  Pour ma part, j'étais dans l'expectative ! Je réagissais plus en "citoyen" devant partir faire ce parcours imposé à tous; avec, sans doute, une pointe de volontariat, pour éviter à mes frères d'y aller eux aussi ! »             J.B. 

 

                                     °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 et, maintenant, avec notre   rédacteur  de blog :

 

 Voici donc le récit de cette aventure militaire ( « militaro-civile », devrais-je dire car, lui , Jébo, et son « copain de régiment » , Demax », ils furent plus étudiants faisant leur service que de vrais soldats ! Du moins, ça me semble évident ! Voyez vous-même et dites-nous ce que vous en pensez ! )

 

d'abord, le conseil de ses camarades, filles,  de FAC :

 

 

et vous pensez qu'il va dormir, notre Jébo ! Que nenni !

 Mais , là, tout de suite , soulignons que c'est bien ce qu'il va nous faire : un récit de son aventure militaire ! Et c'est nécessaire qu'il y ait retour en arrière de ceux qui , tourmentés sur le terrain, laisseront la trace … c'est d'ailleurs dans l'air du temps ! Des films sortent, des récits – confidences ou même aveux – se font... et ça , c'est bien ! Car les 2 Pays , France et Algérie, se doivent d'avoir des rapports loyaux ayant tiré un trait sur le passé commun : 8 ans de guerre souvent atroce !

 

 

Mais, pas facile ! Pas du tout … voyez : à la première étincelle, boum ça repart !!!

 au festival de Cannes, on n'a pas pu ne pas en parler de l' Algérie d'aujourd'hui avec en mémoire le lâche assassinat des « moines de Tibérine » … et notre pauvre Enrico « interdit d' Algérie » !!!
au festival de Cannes, on n'a pas pu ne pas en parler de l' Algérie d'aujourd'hui avec en mémoire le lâche assassinat des « moines de Tibérine » … et notre pauvre Enrico « interdit d' Algérie » !!!

 

« dur » , bon, ça peut se comprendre ! Mais stop, regardons l'avenir désormais !

 et trêve de rumination nostalgique, revenons à nos moutons … kabyles !

                         Donc pour Jébo et ses copains étudiants , dont Demax                  L' ARMEE !

 «  l’esprit militaire, l’art des soldats, leurs vertus sont une partie intégrante du capital des humains " ( Charles de Gaulle, le fil de l’épée)

  

Novembre 59 : le moment est donc venu de partir pour cette épreuve tant redoutée par beaucoup de jeunes français, et Jébo également, à cause de la perte de temps que ce service représente ( sans omettre les risques qu’il comporte, pour ceux du moins qui seront affectés en Algérie) ; de plus, il faisait grief aux filles de faire aux garçons une concurrence déloyale, car leur vie, en Fac, conti-nuait comme si de rien n’était, les unes dans un travail, les autres poursuivant ou terminant leurs études !

 

  Question à Jébo : alors ?

 

« D’entrée de jeu, je me suis senti comme un acteur,  qui allait jouer la comédie sur cette grande scène de théâtre qu’est l’Armée ; avec, dès le départ, un rôle de trublion, en compagnie d’un autre universitaire -- qui serait, alors, le « copain de régiment » --; il deviendra plus tard un ami. J'apparus donc rapidement en « Jéjé », très bout-en-train ! Cette représentation, si amusante parfois, allait tout de même se prolonger un peu trop : 2 ans et quelques mois . Excessif !

 

Ce sont donc les péripéties de « JéJé » et de son copain René, qui vont alimenter la chronique de ce début de «  régiment », chez les " chasseurs alpins", dans les montagnes de Savoie ; puis la séparation arrivera, tous les deux partant pour la Grande-Kabylie, mais avec des directions différentes ; l'un directement, Demax, l'autre  -- appelé désormais Jéjé -- faisant un détour ...par Cherchell, l'école des officiers ! 

 

  1er acte :  découvertede l’Armée 

 

 A l’approche de l’hiver -- et, cette année, il fait très froid – les voici arrivant à Modane, ville frontalière, en bout de vallée de la Maurienne, rapidement intégrés comme soldats du 15 è BCA  ( bataillon de chasseurs alpins) ; ayant résilié son sursis, l’étudiant -- jéjé -- arrivait ainsi à la caserne, avec d’autres étudiants. Imaginez déjà le sourire gourmand de l’adjudant qui les ac-cueillait, en se frottant les mains : -- des sursitaires ! on va te les mettre au pas, ces feignants !

 

( peut-être ne l’a-t-il pas dit très fort, mais, sans aucun doute, il n’a pas pu ne pas le penser !)

 

« Chez moi, nous avoue Jéjé, chez nous, pas d’états d’âme, les uns et les autres ayant suffisamment vu de films avec toutes sortes de « bidasseries » : nous étions avertis; la seconde impression nous le confirma , nous étions bien dans ce monde des bidasses et de leurs chefs ! Mais, ceci dit sans ironie, car nous découvrions bien vite l’autre aspect : vie simple et saine, faite d’efforts ! C’est bien le scénario vu dans beaucoup de films sur cette Armée qui sert de creuset social : un lieu de communication humaine réelle ».

 

Mais il est certain que, sur le moment, ce n’est pas ce que se disaient les deux lascars, ainsi d’ailleurs que la plupart des autres ; JéJé et Demax sentirent tout de suite ce qu’il leur conviendrait de faire ; le parti à tirer de cette mentalité si particulière ! Les premières rigolades pouvaient commencer ! Donc, rapide mise en route, et tout allait pour le mieux, sauf sur un point : la faim qui tenaillait toute la bande ! « ah mais on va la leur faire perdre, cette fausse graisse ! »

 

Un premier commentaire à la famille s’imposait, d’où les premières lettres ! Jéjé : à « Marphoz » ( c'est la famille, avec les parents, au village d'origine, dans les montagnes du Chablais au-dessus de Thonon et d' EVIAN ( notez l'endroit de cette ville qui va jouer un grand rôle par la suite  : oh, il faut que je montre la carte , ce sera mieux :

 

la lettre de Jéjé d'abord :

 

« .. bien chers tous, déjà 15 jrs d’armée ; ça y est, j’ai pris le coup ; c’est dur, mais je tiendrai, car je veux leur mont-rer ce qu’ un étudiant a dans le ventre ! Je suis donc impeccable et j’évite de me faire remarquer ; du coup, on me lais-se tranquille ; vendredi : déplacement à Lyon, pour passer des tests d’aptitude aux « EOR » ( école des officiers de ré-serve) ; excellents résultats, j’ai fait valoir mes études de droit, mes activités de moniteur de colonies de vacances ; et c’est ce que semble avoir retenu le lieutenant examinateur qui a inscrit : «  sens des responsabilités » ; je vous embras-se tous très fort et bon courage … »

 

la carte du Val d' hermone, maintenant, le pays

                        de la jeunesse de notre Jéjé :

 

 

 

avec un petit rhododendron d' Hermone
avec un petit rhododendron d' Hermone

 

en faisant sa lettre , Jéjé devait repenser à toutes ses ballades dans cette belle montagne aimée...

 

et … « aux Chasseurs,

 

 l’hiver est arrivé : froid et neige ; mais, le moral reste au beau fixe. Jéjé a été retenu : 8ème au classement de sélection, pour partir au centre préparatoire de Bourg-St-Maurice ; Demax est aussi « du voyage » ; toujours chez « les chasseurs », donc, mais cette fois, ce sont ceux du 7ème BCA.

 

Que dire ? Une préparation de 4 mois est prévue ; annoncée comme très difficile ; au terme de laquelle, il y aura sélection : peu seront admis à prolonger alors, cette initiation d’officiers, à l’école militaire de Cherchell, en Algérie, près de Tipasa. Pour l’instant, ce sont des cours théoriques avec pratique des armes, exercices de tir, entraînement au commandement d’une section, séances de combat et marches ; à pied, bien entendu ! Ah, celle des 35 km ! Un vrai "plaisir" ! Et aussi ces randonnées à ski, sac sur le dos, plein, surtout avec le fusil en travers : redoutées par la plupart d’

 

entre eux; les pauvres ! les bons skieurs s’en sortant bien, alors que d'autres pouvaient atterrir dans les buissons ; une photo a mémorisé JéJé ayant terminé sa descente dans un arbre, y restant suspendu jusqu’à ce que Demax ait pu faire une photo avant de l’aider à se "dépendre" ! Et, au terme de phase préparatoire, retour à Modane.

 

«  l’esprit militaire, l’art des soldats, leurs vertus sont une partie intégrante du capital des 

 

 

humains , comme le disait notre général de Gaulle

 

( c'est certainement ce que devait dire à ses copains de chambre, notre Demax! Regardez-le :inspiré qu'il semble être !!! )

 

 

Allez, petit clin d’œil à " Marphoz " ( le village natal ) :

 

 « .. .chère maman, dimanche, 14 h., terrasse de café, ambiance militaire ; nous sommes 8 à bavarder, lire ou écrire, bref à tuer le temps, comme nous le pouvons ! Ici, ça va nettement mieux ; tout de même très fatigué, je traîne toujours en queue pour les marches ; et je sue énormément ; signe de faiblesse sans doute, mes cheveux –sous le béret des chas-seurs -- tombent de plus en plus ; et grosse frayeur, la semaine dernière : j’avais mal à l’aine, qui était enflée ; mais tout est rentré dans l’ordre. Je me repose dès que je le peux ; ce n’est pas de la rigolade, ce service militaire ! J’ y croyais trop et j’ai forcé en vue de cet examen de sortie. J’ai bon espoir d’être retenu, car j’ai eu connaissance de l’appréciationde mes chefs : «  très bon élèment, travailleur, intelligent , sérieuses qualités de chef, a donné satisfaction »

 

 Que puis-je demander de plus ? De retour à Modane, notrepetit groupe allait être maintenu sous pression avec, par exemple, une sortie mémorable au col du Mt Cenis : logement en baraquements très sommaires, couchés sur de la paille ; froid, saleté, nourriture infecte ! Si l’opération était destinée à tester le moral de l’équipe, eh bien, c’était réussi ! Grand moment de découragement général, vite surmonté cependant, sur une admonestation du commandant :

 

-- quand, dans les épreuves que vous aurez à traverser en Algérie, votre section sera épuisée, et vous de même, il vous faudra un sursaut de volonté pour la forcer à réagir, si vous voulez la conserver ! Vous repenserez alors à Modane, à cet entraînement salutaire, auquel vous êtes soumis, non pour notre plaisir mais pour votre bien !

 



 

 Et voilà, tout était dit ; bravo ! Tout se terminait !  Six jours après, descente sur Modane, par un beau soleil ; journée magnifique de plaisir, de chutes ; sans gravité fort heureusement ! Regroupe-ment à l’ entrée de la ville, vérification des tenues, des sacs, des fusils, des skis ; et, en rangs, têtes droites, au " pas des chasseurs", sur la chanson reprise à tue-tête, même par les plus fatigués :–  la-Madelon- vient- nous- servir- à boire ; en cadence ; hurlement de chef : "une-deux", "une-deux", "têtes droites".... Les gens nous regardaient passer, admiratifs visiblement ( ce sont les élèves officiers, devaient-ils penser, ils ont fière allure !) ; et notre jeune sous-lieutenant instructeur, tout émoustillé, de nous crier : -- "encore plus fort , une-deux, une-deux, tête droite,

 

alignez vous" ! JéJé et Demax se regar-dèrent, rieurs, complices, en hurlant « la-ma-de-lon… »,  martelant du talon avec ardeur, à en faire péter la chaussure ; en réalité, qu’en pensait-il ce cabochard de Demax? ( il y a quelques temps, il a bien voulu se remémorer ces grands moments de comédie militaire ; voyez  ses commentaires, plutôt gais :

 

 



 

2 ème acte : l' Algérie

 

Cherchell est une belle ville ; en camion, nous avons aperçu la porte d’ Alger, l’église, la place et les ruines romaines… ; chaque élève aura l’occasion de la connaître mieux, de diverses manières: les bains au bord de mer, les sorties au restaurants du port, ou encore, pour les plus « délurés », des passages au bordel…

 

Cherchell, quelle belle ville !mais les nouveaux venus ne pouvaient s'y attarder , c'était direction L' Ecole des EOR ! et là plus question d'y chanter comme à Modane " la madelon, viens nous servir à boire ..."!
Cherchell, quelle belle ville !mais les nouveaux venus ne pouvaient s'y attarder , c'était direction L' Ecole des EOR ! et là plus question d'y chanter comme à Modane " la madelon, viens nous servir à boire ..."!
" au pas cadencés au pas au pas au pas ..." !
" au pas cadencés au pas au pas au pas ..." !

Et, dans l’immédiat, c’est le travail qui compte ; après quelques jours de mise en train (  cours théoriques puis entraînement physique), une première « sortie » se déroule dans les collines, au-dessus de la ville ( en tant que « troupe de manœuvre » ; il s’agit de protéger les élèves de la pro-motion sortante qui passent les examens de fin de stage) ; dès 8 H., c’est le départ pour le sommet ; vue splendide sur la mer et cette belle ville multicolore ; derrière, c’est un paysage de collines, agré-menté de vignes, vergers, prairies avec vaches et, dispersées, de grandes maisons au toit rouge.

 

Pas la moindre trace de guerre ! Un de nos chefs a pris la précaution, le matin, d’ ironiser:

 

-- si vous voulez voir un fell, il faudra vous lever plus tôt !

 

A midi, retour à l’école ; au menu, poireaux-mayonnaise, poulet, pommes de terre, choux-fleurs, dessert ; copieux et bon ( l’air marin de la matinée a creusé les estomacs et l’ appétit de tous doit faire plaisir à voir …surtout aux cuisiniers !) ; et ce sera toujours comme cela .

 

Après des journées bien remplies, le soir il n’y a rien à faire ; si ce n’est que vaquer à des activités de détente, le courrier pour beaucoup, lectures aussi, sans oublier les traditionnels jeux de cartes ( bridge pour certains, rompus aux soirées de société ), ou les restos en ville.

 

Mais, Demax, qu’est-il devenu dans tout ça ? Comme il a rejoint le 15ème  BCA, en Kabylie, une lettre s’impose pour réamorcer le contact :

 

 

 

«  alors, mon vieux René, où en es-tu ? mercredi 11 mai 60, je suis au poste de police -- où je n’ai rien à faire -- caporal de service ; donc, voici quelques nouvelles : débarqué à Alger, plus pessimiste que jamais ( ma permission écourtée, réflexions désobligeantes des gradés de Modane, des emmerdements jusqu’à la dernière minute…). Alger : bonne imp-ression, ville magnifique, mais surtout que les Algéroises sont belles ! Cherchell, un peu déçu au prime abord, j’atten-dais mieux, mais petit à petit, les impressions deviennent meilleures. Le stage est intéressant et formateur : une expé-rience qui sera enrichissante ; partagé en trois phases :

 

1 )l’école d’abord; on vient de terminer un rallye très dur avec interrogations nombreuses ; je suis tombé dans une section très forte, la 1ère du bataillon presque partout. Hélas, ton serviteur a la fâcheuse tendance à se trouver en queue ! Que veux-tu, j’ai perdu mon personnage ; aussi, je ne sais plus sur quel pied danser ; d’où crises de scepticis-me de plus en plus fréquentes !   

2 ) la « nomadisation » ensuite : nous emménageons dans une « ferme », à 15 km de l’école ; là, c’est autre chose ; le cadre : champs verdoyants, beaucoup de fleurs, avec un côté romantique aux crépuscules, de grands pins, des oiseaux, des hirondelles… et la mer toujours en vue ; une petite piscine ( ma seule joie), sans oublier un « parc »,où prennent des « ébats » militaires quelques 50 coc-hons ! Quant à la guerre, aucune trace ! Les fells : accord – tacite ? -- avec «  l’école », on se respecte ; dans quelques années, l’ALN sera installée dans ces bâtiments ! Donc, nouveau cadre, vie différente : 1 jour (sur 4), la « garde » ; 1 jour, « interventions » ; 2 jours, instruction (combat) ; en fin de séjour, épreu-ves physiques détestées ( marche forcée », cross, etc…).  Nos officiers sont sympathiques . 

3) Puis, retour à l’école, pour les examens de fin de formation, notamment un rallye « chef de section » ; coriace !  Sur une promotion de 450 gars, on nous annonce 40% de ss-lieuts, 50% d’ aspis, les autres : sergents ! Mon impression : je sortirais aspi ! Entre nous, je crois que nous étions inconscients quand nous avons fait ces EOR , car sous- lieutenant en métropole, c’est bien, mais faire la guerre dans un poste en Kabylie, c’est autre chose ! Parfois, j’ai peur…On ne s’improvise pas chef de section, même si on est un tireur d’élite, si on est doué physiquement ou si on a une belle gueule ! C’est le cas de beaucoup ici : ils ont de la classe, ils font tape à l’œil mais, demain, domineront-ils des gars avec 20 mois d’AFN ? Le voilà , le vrai problème ; je me demande souvent s’il n’aurait pas mieuxvalu rester 2ème classe et d’ avoir la possibilité de tout refuser en bloc ; de se confiner dans des souvenirs et dans des projets ; bref, dans un semblant de vie civile…Cherchell, c’est une usine, où l’on est content d’arriver, où l’on devient pressé d’en sortir. Monsieur l’infirmier, donne-moi des nouvelles ; quant à tes poèmes, il y a de ça ; te dire s’ils sont excellents, n’étant pas compétent, je suis incapable ; mais, je les trouve sympathiques. Te souviens-tu de ces descentes à ski, reverrons-nous tout ça un jour ? Espérons-le ; bon courage et toute mon amitié, JéJé. » 

 

 

 

Le fonctionnement de l’école !

 

Beaucoup de cours théoriques, puis des entraînements au combat, la nuit de temps à autre, jusqu’à 23 h. ; des marches également : celle de 15 km, par exemple, pas difficile du tout pour les ex-chas-seurs alpins ( départ :9h., retour : 16h.30). Parfois, aussi, des escortes de convois sur Alger : en tête, la voiture-mitrailleuse ( le poste de tireur, pas très demandé ; et, pourtant, on ressent une impression grisante, teintée d’ inquiétude, car à chaque virage, la surprise de l’embuscade est possible ). La chambrée : 8 élèves ; de bons moment de détente, la plupart du temps de bonnes blagues racontées par l’un ou l’autre ! Les jours défilent, chacun trouve son rythme ; et, au terme de la première pé-riode, la compagnie se disperse dans le bled : chaque section occupe une « ferme » isolée ; c’est alors un tout autre style de séjour : vie au grand air marin, la mer n’étant qu’à 15 km ; exercices nombreux et variés ; tir, combat, marches ( ainsi, celle de 25 km, départ : 2h.30 du matin, retour : 10 h.) ; sans danger, car elle se déroule sous la protection de 200 soldats éparpillés tout au long du parcours ! Mais, un jour, une alerte, présentée comme sérieuse, met en route la section ; des fells ont incendié une école du secteur, dans les environs de la ferme ; ce seront donc 24 h. de crapahut à la recherche des incendiaires : chaleur, soif ; pour les chiens pisteurs, beaucoup de traces, mais des fells, point ! A l’ « eor-bouvier » ( Jéjé ), la charge de porter le FM toute la journée (effort important, mais objectif atteint !). Ce qui devait compter pour toute la section, c’était ce contact avec les populations du bled, dans des sites inconnus pour la plupart ( alternativement forêts denses, sommets brûlés, coins verdoyants) ; ce qui ne manquait pas de surprendre, c’était l’ indifférence des habitants au passage de la petite troupe ! L’ eor-bouvier ne pouvait que se souvenir de son enfance dans les montagnes au-dessus du Lac Léman, avec des occupants italiens d’abord puis allemands, complètement ignorés des gens ; par contre, les maquisards étaient, eux, soutenus en cachette par les villages, toujours accueillis avec admiration par les enfants ( qui étaient informés par leurs parents, par les instituteurs ; « saluez les soldats, mais ne leur parlez pas »). Ici donc, même chose dans les villages traversés, pas un mot ; aucun regard de sympathie ; les enfants : muets, même lorsque tel ou tel leur donnait des bonbons ; juste un petit signe de tête ; beaucoup de contrariété chez les élèves-soldats et, pourquoi ne pas le dire, première désillusion ! Au retour, permission exceptionnelle, bien méritée et appréciée !    

 

Baignade toute la journée, sur une plage protégée, soleil, chaleur, mer idéale ( pensées affectueuses pour l’ amoureuse lointaine ), puis bonne bouffe dans le restaurant du port ! Sans oublier, sur le che-min du retour, l’arrêt chez les «  filles », pour siroter un dernier verre ( l’eor-bouvier aussi, un peu voyeur ) ou pour participer aux agapes ! Un moment cocasse ne peut être oublié : celui du bizutage d’ un étudiant parisien ; il « monta » à la chambre, le journal Le Monde sous le bras et, quand il en redescendit, le journal toujours sous le bras, sa nouvelle marraine de guerre sur  les talons, il annon-ça que son dé-pucelage s’était bien passé ; applaudissements nourris de toute la salle, même des non-participants, nombreux ( ceux qui ne pouvaient oublier, qui une fiancée, qui une épouse, qui…la belle lyonnaise, l’ infirmière aux blonds cheveux…).

 

Souvenir entretenu par la lecture des lettres attendues, chaudes ( « mon chéri »…), troublé toutefois par un doute pénible : et si elle trouvait un nouveau compagnon, ce qui eût été bien normal, pour recréer une petite famille…

 

Cet eor-bouvier, comment était-il ? Se prenant très au sérieux s’y voyant déjà ou , toujours comme à Modane, un peu acteur, en représentation, pas vraiment intégré ! Ses facéties, comme le crâne rasé se plantant la tête dans un tronc d’arbre, passaient bien ; et il ne redoutait pas les parties de boule avec les « durs », futurs chefs de section à la Légion, tels les deux costauds de la photo!

 

Mais, çà se passait à la « ferme d'entrainement » en plein bled ...

 sympa, parait-il, cette « ferme » , abandonnée par des colons ( voire réquisitionnée par l' Armée ), on y élevait même des cochons ... ce qui n'empêchait pas le sérieux entrainement au dur métier des armes et au commandement ! Apprendre à devenir des … CHEFS ! «  de sections »... 

 

Mais la voilà , cette fois-ci, cette Kabylie dont on nous parle tant !

 

voyons sur la carte d' Historia :lu dans Historia magazine " le képi blanc "

 

avec sa S A S,

 

et son capitaine Oudinot, et sa belle ...

 

« Héléne », la « baroudeuse, mais aussi l'infirmière, la conseillère, la réconciliatrice ...bref comme on dit aujourd'hui « une belle personne » ...

 

 

je vous mets des extraits du n° de Hist. sur Béni-Douala

 

 

 

 

 

et face à ce diable de guerrier, « insaisissable »...

 

l' armée – en l'occurence, le 121è R.I. – et

 

 

 le contingent …

ici au départ d'une manoeuvre : le s/lt de Taboudrist ( x )

et une prise d'armes

 

   les harkis aussi ...
les harkis aussi ...

 

«  … grâce à la présence des forces de l'ordre, le temps de la peur avait pris fin ... »

 

 

 

et grâce également au Cap' et à la belle Hélène ….

 

lui auusi vaillanr qu'elle était belle ...
lui auusi vaillanr qu'elle était belle ...

 

non, mais regardez … comme elle en jette, cette chef civilo-guerrière ! Et quelle allure ! Elle contribua fortement à ...

 

ah, courageuses femmes de kabylie ...une bonne pensée pour vous ...

 

 ...

et TABOUDRIST...

 

le village chouchou du Cap',

 

son tombeau , ses écoliers, ses habitants, ses fêtes et … son poste militaire !

 

                                                    à suivre ....

( ET REPRISEdu travail,  avec modif ,le 2 janvier 2015, après le" savon"  que nous a "passé" le Jébo -- que nous étions des nuls! pas capables de sortir les textes pour la fin 2014 -- etc ...)

 

ALORS ON S'Y REMET ...à toute pompe ! 

Jules avait fait cette première ébauche ! à moi, André-Jacques du 94, de terminer! dans le fond, c'est pas plus mal car JULES est trop replié sur son CHABLAIS ! je sais, les accords de paix -- ou de fin de guerre d' Algérie -- ont été signés à Evian !

 

mais on est obligé aujourd'hui de tenir compte du contexte parfois encore difficile entre France et Algérie ...

mais dans l'ensemble tout va bien ! 2 exemples :

° dernièrement encore le Pt Bouteflika est revenu se faire soigner à Paris !

 

° et l'Armée algérienne s'est fait un devoir de retrouver le salopard qui nous a tué un alpiniste français parti en montagne Kabyle du Djudjura  ; BRAVO donc ...

    petit extrait de presse pour marquer le coup :


 

 

Vous voyez, Jules n'aurait su faire ce rappel, parce que "là-haut " dans son cher Val d'hermone, il n'a pas ce genre de cogitation ! ses" anciens d' AFN" ne veulent plus entendre parler de cette "guerre" qui les a tant fait souffrir ...

 

                             à suivre  donc ... avec moi, L'ajac du val de marne :

 

                                 °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°


TABOUDRIST ...  suite 

le poste militaire :

les patrouilles :

les maigres petites fêtes avec la section :


mais quoi de plus important que ces écoliers ...

 

 

   ces gens,

les patrouilles du poste les accompagnent pour qu’ils ne soient pas dérangés par…des fells ! Tâche astreignante, car répétitive sans le moindre intérêt ; mais l’obligation impérative est de pas relâcher la surveillance ; le groupe « se poste » alors en observateur, mais aussi en protection, car une embuscade est toujours possible ! L’aspirant ( ou son second, le sergent, quand c’est son tour de « sortir »), jumelles à la main, doit observer tout ce qui peut apparaître comme suspect ; il reste at-tentif, sauf de rares moments, comme celui d'une photo, quand il se laisse aller à un court instant de mélancolie ( ou, qui sait, de découragement ! photo ci-dessus à droite).

L’ordre de retour est donné par le chef de patrouille.

La vie du poste est simple, mais difficile à supporter en raison de la monotonie des tâches ; de temps à autre, il faut assurer une liaison avec le PC  de la compagnie, ce qui est une « sortie » pour chacun ( l’occasion de retrouver des copains, de siroter une bière ) ; c’est encore mieux, quand il faut «  monter à la SAS », tout en haut du secteur ; l’aspirant, s’il n’y ressent pas de plaisir à ren-contrer ses supérieurs, voire même ses collègues, peut en regardant les splendeurs du site tout au-tour «  respirer » car, en bas dans son « trou », il a le sentiment presque angoissant d’ étouffer ! Ces sorties se font toujours en marche « de combat », avec le souci constant de la sécurité ; et pas de re-tour trot tardif car, à la tombée de la nuit, c’est le moment souvent choisi par les fells pour placer une attaque rapide avec décrochage aussitôt ; pour l’ avoir oublié, un major venu apporter courrier et cigarettes et remontant trop tard sur son camion débâché se fait « allumer vilain », à la sortie du village ; heureusement, la balle, qui le traversera, ne sera pas dangereuse; survivant grâce au chauffeur qui, sans perdre son sang froid, accéléra à fond et empêcha une catastrophe !

Donc la principale difficulté de cette vie de poste, c’est l’ennui ; le passe-temps favori reste le cour-rier , le transistor assurant le fond sonore permanent ( Europe n° 1) ; de la lecture pour les « intel-los » et, moments attendus, l’arrivée des colis ! Là, on ne le montre pas, mais il y a de l’émotion ; c'

est un peu de chez soi qui sort du paquet, que l’on sent, que l’on respire intensément et, si une larme vient à l’œil, il faut vite se moucher un bon coup et c’est passé ! Bien sur, il faut partager....; mais pas tout, simplement les produits « régionaux »…ou le gâteau ( plus difficile à partager, quand c’est sa petite chérie qui l’ a préparé ). Voilà : il faut tenir le coup  et c’est un des rôles du chef de poste

que de faire en sorte que personne ne le perde, ce courage,  si indispensable ! N’est-ce pas ce que décrit si bien J.P. Bressillon, dans Historia :

"...cafard,corvées, patrouilles aux carrefours des routes ou d'oueds, pétoche, gardes de nuit, telles sont les servitudes du soldat ..."


Il faut encore y ajouter l’ inconfort du bâtiment ; la pièce du haut, pour l’aspirant , suffisamment vaste pour servir de salle d’accueil et d’entrepôt des armes ; une autre, plus petite au 1er étage, celle du sergent, et au RDC, le dortoir pour le groupe ; à l’autre bout du village, un autre poste, encore plus sommaire !

Pour supporter à la longue cette promiscuité -- la présence de soldats d’ origine kabyle ou arabe ne posant aucun problème -- il faut un bon cuisinier ( s’il ne l’est pas dans le civil, il faut en « fabri-quer » un, à condition que cela lui plaise, car il ne manquerait plus qu’il empoisonne  tout le mon-de !). Rien ne vaut une bonne bouffe, pour beaucoup ! Avec, parfois, une dégustation de …sanglier ( vous savez, celui qui venait par mégarde à la rencontre de la patrouille et que le «  tireur d’élite » n’

a pas manqué  ; mais obligé de citer aussi celui qui est venu …à proximité du groupe posté en em-buscade le long de la piste ; ayant reçu la consigne de ne tirer que sur ordre, on n’a pu que le regar-der passer ).

En fin d’année, le déroulement des fêtes sera correct, avec des repas améliorés, grâce aux colis re-çus par les uns et les autres ; ceux de l’aspirant, également sur la table -- trois, très bien remplis, en-voyés, l’un par ses parents de Marphoz, l’autre par le maire de Vailly, et le 3ème par sa chérie de Lyon !

Mais, au lendemain de ces moments de détente, teintés de nostalgie pour certains, l’aspirant devait reprendre en main la petite troupe ; même avec sanctions, car le relâchement pouvait constituer un vrai danger, nos adversaires n’attendant que ça ! Du coup, les « européens » lui en voulurent pen-dant quelques jours, puis tout rentra dans l’ordre !   Le « petit mot  pour Marphoz" :


  « bien chers tous, tout va bien ; il fait un temps magnifique : les nuits recommencent à être douces ; cette période est très agréable, je me laisse donc vivre un peu : de temps à autre une patrouille généralement le matin ; et, l’après-midi, c’est café-lecture-musique ! Ce village est toujours aussi sympathique ! Aimé Bouvier, qui est en poste un plus loin, m’a téléphoné ; on lui a dit que mon secteur était un véritable petit paradis ! c’est vrai, mais ce n’est pas sans peine ! Je crois que notre comportement y est pour beaucoup ; j’ai imposé à mes gars une grande correction, exigeant d’eux de se com-porter comme si nous étions dans un village de chez nous ! Du coup, les gens y sont sensibles ; certains nous en font des compliments ; et ce qui compte le plus, c’est que nous ne serons pas trahis ! L’avenir, nous allons tout doucement vers un cessez-le-feu . On nous avait mis en garde contre un possible renforcement des fells ; j’ai donc réorganisé mon dis-positif de sécurité, avec des tours de garde entre gradés ( nous veillons, à tour de rôle, deux heures chacun par nuit ) . Un «  renfort » m’ a été attribué : un sergent musulman, tirailleur, ancien d’ Indo ; pour les sorties de nuit, il est excel-lent, car il voit comme en plein jour ; il assure aussi les liaisons avec notre PC. Il en redescend toujours avec une bonne bouteille que nous buvons au repas ; et nous éclatons de rire quand, en fin de repas, il lâche de gros rots ; nous lui ré-pondons, moqueurs « abdullah », comme la coutume locale le prévoit ! Ça y est, je vais passer sous-lieutenant ; nous arroserons, à Pâques, cette promotion qui, j’espère, vous fait autant plaisir qu’à moi ; et plus que copieusement, si la guerre est finie ; je vous embrasse tous affectueusement . »

 

Et sans oublier les commentaires adressés à Demax en réponse à sa suggestion de nous retrouver tous les deux à Alger ; impossible, hélas , toute absence du poste étant impossible dans le contexte actuel !

« mon vieux René ; tout d’abord, à ton invitation pour une escapade à Alger, je réponds négativement ; depuis quelque temps, dans mon poste, je n’ai qu’un caporal, 3 soldats européens, 3 algériens et 8 harkis . Noël s’est bien terminé et j’

en suis content : il n’y a pas eu de nostalgie ; au programme : une embuscade, de 3 heures, suivi d’ un petit réveillon. Mais que d’efforts il me faut faire ; tu vois un peu la situation : nous sommes 4 européens, paysans ou ouvriers ; mais je tiens ! 2 jours avant Noël, un harki, «  con comme la lune », s’est envoyé une rafale de PM dans le ventre, seul sur la terrasse: i l avait seize ans ! J’ aurais dû lui faire monter la garde avec un bâton ! Merci pour tes nouvelles de Tigzirt ; ça a l’air de bien marcher chez toi ; transmets mes amicales salutations aux connaissances. Le référendum, maintenant : des consignes sont données aux musulmans : « non » ! On en est encore à « l’Algérie Française » ! J’attends le résultat, que j’entrevoie positif et suivi de négociations ; l’ inverse serait une belle merde ! Je te laisse ; toute mon amitié,  J. »

 

Et les jours passaient ! Sans problème ! Mais un soir, à la tombée du jour, quand le poste et les vil-lageois sont en train de manger, pan-pan-pan…,tirs nourris depuis la colline dominant le poste ! Inutile de répondre ( c’était la consigne donnée) à une provocation destinée à tester la résistance du dispositif ; faire plutôt une  démonstration de maîtrise des sentinelles et, pour l’aspirant, celle de sa sérénité ! Pas facile, mais réussi ! L’ essentiel étant qu’il n’y ait ni dégâts ni blessés et que soit main-tenue la confiance des habitants dans leurs gardiens de village !

Au plan militaire, peu à dire ; le plus dur étant l’ordre de descendre au fond de la vallée, en bordure de l’ oued, pour participer à un bouclage et empêcher des fells de s’ échapper ; l’aspirant et son ser-gent s’en chargent à tour de rôle. Gros effort à chaque fois, car il faut cheminer  le plus silencieu-sement possible, à la nuit tombée, et se mettre en place, dispositif assez rapproché car le bruit du ruisseau empêche une parfaite écoute et l’on se parle par gestes, maîtrisant comme l’on peut une certaine crainte de ce qui peut arriver ! Là, les branches des buissons se mettent à bouger et, par nuit noire; comment être sûr qu’il n’y a personne derrière ! Et ce vent qui fait craquer quelque brancha-ge, au point de se dire : « ça y est, ils arrivent » ! Là, parfois, un hurlement qui vous glace : le cha-cal, de passage, qui vient de tomber sur le groupe tapi derrière les buissons ; du coup, il est presque devenu inutile de rester car, en face, si les fells sont là, ils savent maintenant qu’il y a un piège, une embuscade. Ah, ces chacals, de vrais alliés pour la guérilla ! Mais, fort heureusement, aucune de ces patrouilles ne se transformèrent  en « accrochage » ! Le vrai baptême du feu pour la section allait venir ! Et d’abord celui de l’épreuve de la valeur combattante de la section ! L’aspirant avait  placé son groupe en embuscade, comme cela lui avait été demandé, au-dessus du poste, le long de la route d’ accès au village ; après une bonne heure d’attente, il faisait très sombre, et l’on commençait à en-tendre les bruits furtifs de la nuit ! Tout à coup, un gars qui s’était assoupi lâche une rafale de PM et, aussitôt, tout le groupe de tirer, nerveusement ! Impossible pour l’aspirant de le faire cesser ; il avait beau hurler : « halte au feu ! », la fusillade ne cessa que lorsque la plupart des chargeurs furent vi-des ! La honte pour l’aspirant, qui perdait la face devant les habitants, devant se dire : « il ne maît-rise pas ses hommes ! » ; le commandant de compagnie fut plus compréhensif : « vous ne sortez pas assez ; vos garçons ne sont plus entraînés ; réactivez leur vigilance ; faites-les tirer un peu, de temps à autre » ; quant aux fells, ils devaient bien rigoler ! La seconde épreuve, ce fut plus sérieux ! L’aspirant, devenu sous-lieutenant,  avait pris de l’assurance et le poste le ressentait ; incitant certains à vouloir désormais « casser du fell au lieu de ne surveiller que les champs et les bonnes femmes à leurs travaux » ! Le lieutenant de compagnie, nouvellement arrivé, jeune St-Cyrien plein d’allant, était tout heureux de cette réaction du poste, qu’il trouvait «  saine » ; il fixa donc le lieu et l’heure de l’ embuscade à monter ( à un carrefour à 2 km du poste, au croisement des routes des 2 vallées ; «  zone de passage des fells », avait-il répété ). Donc, en fin d’après-midi, sortie d’un grou-pe renforcé jusqu’au pied de ce col, s’attardant sans discrétion particulière selon la consigne, puis le sous-lieutenant et 4 volontaires se cachant  dans une masure, alors que le reste de la section rentrait à la tombée du jour faisant du bruit pour se faire voir ; à la nuit noire, le petit groupe sortit de sa cachette et lentement sans le moindre bruit – du moins le croyait-il -- monta vers le carrefour, où il allait se poster ; à l’approche, le sous-lieutenant place devant lui un éclaireur de pointe ( un jeune musulman, tout à fait bien intégré et désireux de bien faire) ; un caporal expérimenté, musulman lui aussi, militaire solide, fermant la marche ! Le carrefour est là, proche, sombre ! Le groupe avance, courbé, longeant le talus ; le sous-lieutenant leur a bien répété : « attention, on ne tire qu’à mon ordre » !A 20 mètres, nouvel arrêt, on observe le coin, le chef de patrouille indique par gestes où chacun devra se placer ; signal de départ, quelques mètres encore et, soudain,  l’éclaireur lance « là, mon lieutenant » ! Fraction de seconde pour «  deviner » que cette forme, là, au bord du chemin, ce n’est pas un sanglier mais un fell qui saute dans le talus en tirant  sur l’éclaireur ou le chef de pat-rouille ( qui peut le savoir, à part ce fell, qui blesse ainsi d’une balle le jeune qui s’affale au milieu du chemin et qui gémit :

-- mon lieutenant, je suis blessé,

-- ne bouge pas, je viens te chercher.

Brève observation du coin, et c’est le départ ; on dépose le jeune dans une toile de tente, porté par deux du groupe, le 3èmeportant les fusils, et au pas de charge, on file vers le poste ; chef de pat-rouille et caporal, en tête de chaque côté de la route, scrutant  chaque buisson, parfois une courte rafale, et c’est le poste ; le sergent, à l’affût, mais  ne captant pas les appels ( qui, heureusement, sont captés par un autre poste du secteur, lequel donne l’alerte ; le temps de soigner le blessé et le lieutenant de compagnie, tenue de para, le regard du baroudeur, arrive tous phares allumés ; l’éva-cuation, vers la DZ de la SAS, sera rapide, puis aussitôt sur  Tizi ; il sera opéré et sauvé ! Ouf !

-- Merci, mon lieutenant d’ avoir fait si vite 

-- Normal, je ne laisse pas tomber mes chefs de section !

Grosse tension au poste et au village : on venait de retrouver la guerre ; d’autant plus qu’au moment de cet accrochage au carrefour, d’autres fells postés juste au-dessus du village, « l’arrosaient », le poste n’osant pas riposter, par crainte de blesser le groupe à l’extérieur qui pouvait prendre les balles de la mitrailleuse ! Et dans les jours qui suivirent, le malaise planait, avec le doute : les fells n’avaient-ils pas été avertis de ce que le poste préparait  sinon, quelle sacrée coïncidence ! Mais il fallait vite oublier, car la section s’en tirait bien ! Faire attention, dut-on redire, car la guerre est bien là, et il suffit d’ une fois pour avoir des tués ! Personne ne se fit répéter la leçon, tant l’ impératif de vigilance s’imposait ; le plus étrange : la petite équipe « accrochée » et tout le poste en ressortaient, heureux presque, parce qu’ayant maîtrisé leur crainte et l’opération militaire, qui n’était pourtant pas un succès ! Ou, plutôt si, mais pour l’adversaire ; à charge de revanche ! L’ occasion n’allait pas tarder : la section de Taboudrist est désignée pour assurer la protection du convoi sur Tizi ; à l’aller, tout se passe très bien. Mais…en fin d’après-midi, à l’ heure fixée pour le retour, le convoi se met en place , au pied de la longue montée sur Béni-Douala ; les préparatifs traînent ;  – « trop, à mon sens », prévient le sous-lieutenant pressant tout le monde ; il place en tête sa section, prête à partir, deux sentinelles restant encore postées au-dessus; --  ça traîne trop, dépêchez-vous,hurle-t-il, en vain ! Camions de ravitaillement, ambulance ( mais que fait encore le toubib ?), jeep du comman-dant du bataillon, attendent ; arrive enfin le véhicule blindé qui  ferme le convoi !

Le signal du départ est donné ! Aussitôt, des rafales partent de la colline et tous de riposter, n’ im-porte comment au risque de s’entretuer ! Aussi difficile à stopper qu’inutile, car les fells tirent et décrochent tout de suite ! Averti depuis l’embuscade de Taboudrist, le sous-lieutenant  est à l’aise pour hurler ses ordres de cesser le feu ; il prend même le FM à la hanche et , très calme, il « arrose » le sommet par de courtes rafales ; et, comme rien ne répond, il donne ses ordres, secs, avec autorité, car beaucoup sont entassés dans les fossés ! Vérification immédiate ( miracle, pas de blessé !), rapide compte rendu au commandant ( « aucune casse ») et "en avant" ! La section de Taboudrist reste en tête, derrière son sous-lieutenant ( tous ressentant ce sentiment de fierté d' avoir tout un convoi à protéger ) ; les camions roulent au ralenti, tous phares éteints ; en tête, chaque passage boisé, chaque virage important est rapidement «  négocié » ; au cours de très brefs arrêts, le sous-lieutenant remonte le convoi à la fois pour vérifier si tout va bien, mais aussi pour donner ses en-couragements à ceux qui craignent une attaque et aux quelques femmes qui ne sont pas très rassu-rées ; quant au commandant, il sait s’en remettre à son officier, à qui incombe la sécurité de la bon-ne marche ! Et tout finira bien ; l’ arrivée au PC sera appréciée, tant par ceux qui montaient et qui n’ auront jamais trouvé la route aussi longue,  que par tous ceux qui, de là-haut, avaient entendu les coups de feu et  attendaient avec  une grosse angoisse. Les gars de la section de Taboudrist saluent leurs copains qui les félicitent, le sous-lieutenant salue son supérieur, brève poignée de main et , en route pour la descente vers Taboudrist ! Au village, tous attendent, angoissés, car ils ont été avertis:  --  le convoi est tombé dans une embuscade ! A l’arrivée du groupe, les retrouvailles sont heureuses, les bières vont couler un peu;  le sous-lieutenant fut bref : -- je vous remercie et je vous félicite, vous avez été parfaits » ; et, en chef de section heureux, fier de sa petite troupe, il resta avec son sergent, lui répétant les phases de l’attaque, pour analyser ce qu’il aurait peut-être fallu faire ! Tout avait fonctionné : calme, détermination et parfaite maîtrise de la protection du convoi ;  com-me des vétérans ! Mais, surtout la « baraka » était là, une fois encore ! L’ officier pacificateur de Ta-boudrist était content : ni blessés, ni tués dans son camp ; n’ayant tué personne de l’autre côté ! Et il sentait qu’il avait été « bien », comme à Cherchell ( note 19/20, en combat ).

L’ ACTEUR AVAIT TENU SON ROLE ! 


cette majestueuse montagne de Kabylie. C’est un grand poste avec des bâtiments confortables ; 4 écoles, 4 instituteurs, une équipe tout à fait positive ; par contre, les villageois sont distants, saluent à peine et n’offrent jamais le café ! Au plan opérationnel, il n’y a plus d’actions ou presque ! Les fells eux aussi attendent le cessez-le-feu. Mais vigilance et souci de la sécurité restent de mise ! Le sous-lieutenant reste bien tranquille, désireux de se faire oublier ; il ne manque pas de relever qu’il provoque deux types d’ attitudes à son égard : ceux qui ont approuvé son action et ceux qui le criti-quent ! Résultat pour lui : une certaine indépendance et de la considération. Puis, un jour arrive l' ordre : le sous-lieutenant doit se rendre à Tizi ; on lui apprend alors qu’il a été désigné pour remp-lacer « l’officier défenseur » au Tribunal permanent des forces armées, parti en permission ; bien évidemment, il accepte aussitôt. Un nouveau rôle ? Certes ! Tout à fait intéressant dans le nouveau contexte général évolutif ; arrivant à l’ Etat-Major de Tizi, il apprend qu’il avait été proposé pour un poste dans un de ses bureaux, mais que des officiers avaient refusé ; précisant qu’il n’y a pas de place, ici, pour un sous-lieutenant de réserve  ! Prise de fonctions immédiate. Donc un peu d’inquié-tude et gros effort pour retrouver le droit, la procédure. Avec des moments forts : par exemple, la visite aux prisonniers, en prison, pour préparer leur défense. Notamment ce fell, qui lui avoue en riant qu’il était dans le groupe qui lui a tendu l’embuscade de Taboudrist ; quelle surprise ! Pas banale, cette rencontre entre l’officier défenseur et le fellagha qui a failli le tuer ! Le détenu lui ex-plique aussitôt sa situation, avec tout ce qui pourra faciliter sa défense ; l’officier défenseur, devant la hiérarchie militaire du tribunal, jouera le jeu, en faisant même un rapprochement avec la situation des jeunes maquisards de Hte-Savoie, dans les années 43-44. Le tribunal entend l’argumentation, en tient compte pour son jugement ; mais, à la sortie, les juges l’attendent : c’est alors un groupe rede-venu militaire qui, très remonté, le prend à partie :

   -- c’est une honte de voir un officier défendre un fell comme vous venez de le faire  -- je regrette, messieurs, vous n’y êtes pas ; j’ai jusqu’à ce jour chassé le fell dans le bled et je peux y retourner demain, je n’ai donc pas de critique à recevoir de vous, il y a une institution démocratique qui fonctionne, j’assure donc en  conscience cette tâche qui m’a été confiée ! Je vous salue.

Il n’y aura pas d’autre accrochage par la suite ; pourtant certains dossiers étaient lourds : celui par exemple d’ un sous-lieutenant poursuivi pour vol et viol, suite à une dénonciation ; il est très mal-heureux et anxieux :

-- que va-t-il m’arriver, je suis marié ? -- mon cher, il fallait y penser avant ; tout se passera bien -- et ma femme ? -- à toi de la convaincre et de te faire pardonner 

 Le jugement sera rendu, pas trop sévère, car son cas pouvait être expliqué par les circonstances du moment . Autre dossier, autre défense moins aisée toutefois ; il s’agissait d’expliquer au tribunal le geste d’un chef de village qui, contraint par le FLN, pour « se racheter », avait dû tuer un sergent du poste, un soir alors qu’il rendait sa visite régulière à une femme chez elle en toute confiance, sans le moindre respect des consignes de sécurité ! Il fut tué à coup de hache ! Défense facile, car il n’était pas prouvé que ce fut lui l’auteur des coups mortels et, même si tel avait été le cas, ne convenait-il pas de prendre en compte la très forte pression du groupe fell, qui était sans doute présent ; l’armée n’avait jamais eu à se plaindre de ce responsable de village; la peine fut un simple internement !

Dans ce nouveau contexte pour le sous-lieutenant, un message à" Marphoz" s'imposait : 

  « bien chers parents, je vous parle de mon nouveau poste : officier-défenseur à Tizi ; au début, le nombre d’ acquittements est faible ; maintenant, il y en a davantage, surtout des femmes et des militaires. Ce genre de dossiers me convient bien : faire acquitter des femmes qui ont travaillé avec des fellaghas ou bien des mili-taires qui ont fait des bêtises . Le dernier en date ( soldat à Constantine) ne savait que faire pour me remer cier ; cela m’a touché. Ce métier me plait beaucoup et il me réussit ; je ne m’attendais pas à avoir cette fa-cilité ; je ne ressens aucune peur, bien que timide. C’est peut-être parce que je joue un rôle, comme si j’étais acteur. Lorsque je me lève, je ne sais pas ce que je vais dire: « Monsieur le Président, Messieurs les juges », et la suite vient facilement. Dans quelque temps, je remonterai là-haut ; ce sera bien aussi, car à Tizi, il fait très chaud. En attendant, c’est une vie épatante que j’aie : déplacements nombreux en jeep, entretiens, traitement de dossiers… , je ne vois pas le temps passer ! Et puis, maman, je me sens heureux car je fais un boulot d’avocat ( quelle expérience pour plus tard ) ; j’ai acquis l’estime des avocats civils. Voilà donc pour cette fois ; je vous embrasse très affectueusement... »

 Et ce travail, si prenant pour ce sous-lieutenant-avocat, prit fin, hélas pour lui, mais aussi pour les détenus, car il se donnait à fond, prenant son travail de défenseur très à cœur ; un mois après, il quit-te alors Tizi-Ouzou et remonte vers Béni-Douala, réintégrant le poste d’ Ichardiouene ; pas pour très longtemps d’ailleurs, car il doit remplacer un de ses collègues qui, service terminé, quitte l’ Algérie ( sans regret apparemment, lui qui disait que l’ on avait rien à faire dans cette galère, ajoutant quand on le bassinait «  qu’on y défendait la France » : --regardez ces gens grimper aux arbres, c’est des Français, ça ! », plaisantait-il, car il était rieur, moqueur et plein d’ humour ; allez donc savoir !). Mutation à nouveau ! Sanction ou choix de faire tourner les officiers pour qu’ils ne s’incrustent pas ? Le poste est dans le village de Taghemount-Oukerrouch, en contrebas dans une grande cu-vette ; gros village de 2300 habitants livrés, le jour aux contrôles de l’armée, la nuit aux visites des fells, qui rendent alors une justice très sommaire et expéditive ;  et là, pas sûr qu’il y ait un défen-seur ! Les rues sont étroites et tortueuses. Le poste : coupé en deux, un bâtiment à chaque extrémité de ce village ; 1500 m. de séparation ; en cas d’attaque de nuit, un vrai coupe-gorge !

Avant le putsch, l’ambiance y était, paraît-il, excellente ; désormais, c’est plus difficile ; les nuits sont stressantes pour le chef de poste central ; encore plus pour le gradé qui tient celui de l’entrée du village. Les fells sont là, bien présents ; chaque nuit, les barbelés sont cisaillés et les sentinelles n’ entendent rien, ne voient rien ! Parfois, pour mieux assurer leur emprise sur les habitants, ils lâchent quelques rafales par nuit noire sur ce poste d’entrée et « décrochent » aussitôt ; inutile de répondre, il vaut mieux montrer que l’ on garde son calme ! Mais c’est dur, le moral du groupe est au plus bas ; le rôle de l’ officier est donc de tout faire pour le préserver ; pour le sous-lieutenant, se retrou-ver ainsi dans la guérilla, après avoir été « défenseur » de fells arrêtés, ce n’est guère simple ! Enco-re que cela le sert sans doute car, en face, on doit le savoir et le ménager ! En tout cas, il n’arrivera rien de grave au poste et aux soldats, européens ou harkis.

Maintenant, l’heure est à la négociation ; en mai 1961, les pourparlers vont commencer. Et ce qui fait la joie du sous-lieutenant, ils vont se dérouler dans son cher pays natal , le " Chablais", au bord du Lac Léman, en face de la Suisse de Genève, de Lausanne, de Montreux ; à EVIAN . Hélas, le maire y est assassiné, premières représailles des partisans de «  l’Algérie Française » ; en retour, le FLN reste sur ses positions ! Il ne veut pas entendre parler de cessez-le-feu comme préalable aux négociations, celui-ci ne devant intervenir qu’au terme des DISCUSSIONS et une fois reconnue l’existence d’une nation algérienne, indépendante, souveraine ; c’est donc l’impasse !

En Algérie, l’armée a engagé une campagne d’ information ; mais c’est très difficile ! Si beaucoup hésitent à exprimer leurs sentiments, par contre harkis et auto-défense laissent apparaître leurs inquiétudes, car ils redoutent un départ de cette armée, dans laquelle certains se sont engagés et que d’autres soutiennent ; les désertions vont alors commencer, ce que redoutent les chefs de poste. En octobre, le chef de l’Etat fait une nouvelle offre de paix aux dirigeants du FLN ; ces derniers posent alors comme préalable la libération des leurs emprisonnés en France, Ben Bella et ses compagnons, pris lors de l’arraisonnement de l’avion qui les ramenait du Maroc à Tunis . Et, à l’approche du 1ernovembre, date anniversaire du soulèvement, le GPRA place la journée sous le signe de la « coha-bitation  pacifique des deux communautés, musulmane et française d’ Algérie ». Hélas, il y aura beaucoup de manifestations et d’ incidents. Dans les postes, le moral des soldats en prend un coup ! Le chef de poste, lui, se doit de faire l’effort de soutenir sa petite troupe, comme toujours certes ; en fait, plus que jamais !

Venu prendre, sur le terrain, le pouls de la troupe des Béni-Douala, le colonel tentera bien un discours de réconfort ; mais ça ne passe pas vraiment ; pire, ça ne passe plus ! Car pour beaucoup il n’y a plus rien à dire, ou plutôt qu’une chose : le contingent doit regagner la métropole ! L’officier ver-ra, seul, son sous-lieutenant, lui demandant de tenir le coup ; mais il doit se rendre à l’évidence que c’est trop difficile, car il est au bout du rouleau, lui, également ; mais il s’engage toutefois à ne

à ne pas relâcher son effort quant à la sécurité ; ni à se lancer dans une quelconque action d’opposition à la présence du régiment dans cette Kabylie qu’il faut désormais laisser à son devenir !

En retour, le sous-lieutenant bouge à nouveau : départ de Taghemount pour Tizi ( le colonel voud-rait-il l’ avoir pas trop loin de lui, pour le « surveiller » ?) ; affecté au « poste du Belloua au-dessus de la ville, il est chargé de la protection des installations de transmission ; curieux poste, sur un crête, tout en longueur, et là également coupé en deux : un bâtiment à chaque bout du piton ; le tout entouré de barbelés ; à 300 m. un petit village, qu’il suffit de visiter de temps à autre ; quelques ratissages s’ avèrent également nécessaires sur les pentes d’ accès pour voir s’il n’y a rien d’anormal  et rassurer le capitaine de la compagnie qui se fait du souci, tant pour le poste que pour son sous-lieutenant qu’il ne semble pas apprécier particulièrement ! D’ailleurs, le colonel est monté directement se rendre compte par lui-même si tout était en bon ordre, et voir aussi son sous-lieute-nant pour lui demander s’il avait retrouvé le moral :

 -- vous serez bien là ; votre petite troupe est sympathique ; vous avez un panorama extraordinaire ; vous allez pouvoirrécupérer un peu 

-- certes, mon colonel, mais je n’ai qu’une attente désormais, c’est une sortie de cette déplorable situation, par lanégociation , car cette guerre est finie

-- vous avez sans doute raison, mais à notre niveau, que peut-on faire ! Il faut tenir et là, où vous êtes , toutparticulièrement car le poste a une importance vitale pour la zone ; donc, je vous demande de ne faire que de la défense ; je vais renforcer votre effectif .




avec des visites de citadines montant de Tizi !


3 ème acte :   le retour à la vie civile,

comment cela s'est-il passé ?

  " la peur : née de la guerre, elle survit à la guerre ; on n' en discute qu'après; chez les illuminés,elle conduit à l'extase ; chez les fous, à l'abîme "( E. Wiesel )

Evacué sanitaire, par bateau ; avec une mer très mauvaise, entraînant un gros retard ( 40 h. de tra-versée, au lieu des 18 par temps normal ) ; notre sous-lieutenant-rapatrié s’en fiche ! Il est bien ! quelque peu prostré comme beaucoup autour de lui, mais il est en tenue civile et en cabine-officier ; ce n’est pas cette marque de distinction qui le ravit, mais bien l’isolement qui le protège, lui per-mettant de se reposer ; enfin !

Au départ d’Alger, il est resté sur le pont, pour regarder s’en aller cette belle ville ; sans regret, mais avec émotion tout de même, car sur cette terre, il y a des larmes et du sang ! Il n’est pas vraiment attentif, car sa tête est envahie par de trop mauvais souvenirs, que combat son désir extrêmement fort d’arriver au plus vite ! Une pensée amicale, affectueuse, va à la belle et enthousiaste infirmière qui veut rester dans ce pays ; diable, comment fait-elle ? Il est vrai qu’il ne peut rien lui arriver, car le personnel médical est le bienvenu dans cette Algérie nouvelle, en gestation. Sur ce plan, on peut dire que l’action pacificatrice de la France n’aura pas été inutile.

En effet, les infirmières de l’Assistance Médicale gratuite ont ouvert, à Béni-Douala mais aussi partout ailleurs, des dispensaires, ou sillonné le pays pour apporter leur aide à la population :

  « …par leur action bienfaisante et patiente, elles réussirent à gagner la confiance des musulmans »,a noté Historia.

A Marseille, enfin, il va traîner un peu, invité chez son copain -- d’été dans le Chablais à Lullin -- mais le cœur n’y est pas vraiment ; il n’a guère envie de parler et, semble-t-il, on ne le comprend pas ! Il n’a qu’une hâte, celle de poursuivre sa route et d’arriver à Lyon ; puis à Marphoz ( sans doute, le retour au sein du cocon familial lui fera-t-il grand bien ; inconsciemment, il l’espère) . A Lyon, on l’attend à l’hôpital ; sa tante Julia, surtout , qui tient informé " Marphoz " des péripéties du voyage; en témoignent les lettres qu’elle envoie à la famille, pour qu’il n’ y ait aucune inquiétude. Extraits :

 

-- « ma chère Marie, …l’avion d’Alger a atterri à 13 H.15 à Bron-aéroport, mais Jérôme ne faisait pas par-tie du convoi. Peut-être a-t-il voyagé par bateau et hospitalisé à Marseille ; il sera alors évacué dans la se-maine ; il n’y a pas lieu de vous inquiéter à son sujet ; on  évacue d’abord les gros malades, les blessés ; or ce n’est pas son cas… »

  puis une autre :

-- « chers vous tous,…je viens de terminer le repassage de la petite lessive pour Jérôme ; son bulletin de santé : transféré au service de chirurgie, il a été opéré hier ; tout s’est bien passé. Il ne pense qu’à une cho-se : se lever et marcher !Vous voyez, il n’y avait pas lieu de tant vous préoccuper ; il vous reviendra très bientôt et très en forme… »

  et enfin :

-- « …Jérôme va bien ; il est heureux de se retrouver à Lyon ; vendredi, il a obtenu une autorisation de sortie en ville ; il a pu prendre l’air et s’est fait inscrire à la Faculté ;…hier, il est sorti pour la journée ; nous avons pris notre petit déjeuner ensemble ; je voulais le garder, mais il était invité chez son copain Claude… Je l’ai retrouvé aujourd’hui : il était ravi de sa journée….Ne vous inquiétez pas, il s’est très bien adapté à la vie de l’hôpital, qui ne manque pas de distraction ; il est très décontracté ; il est entre de bonnes mains et je suis là. Dormez tous sur vos deux oreilles, dans une quinzaine de jours, il viendra vous voir… »     

 

Effectivement, tout se passait très bien ; avec un passage dans plusieurs services : « neuro », «  chi-rurgie », puis « contagieux »…Mais, comme auparavant, deux mois, c’est trop long ( ce sera le temps d’hospitalisation qui lui sera imposé) ; et l’attente du retour à la vie civile se fit à nouveau sentir ! Prenant son mal en patience ( peut-être à cause de la présence de cette tante, collaboratrice du médecin-chef, à qui il ne voulait ne faire ni peine ni honte surtout ), il rassure " Marphoz " :

 

« bien chers tous, ça y est, ça va beaucoup mieux ; je suis redevenu moi-même et plus aucune inquiétude pour mon avenir personnel ! Je me sens bien à l’ hôpital ; on me fout la paix ! pas de visites, je préfère ne pas en avoir à l’hôpital, car c’est trop triste ! La nourriture est excellente et on mange dans une petite pièce à 4-5 officiers ; on nous sert « chaud» et surtout bien préparé ! Hier, je suis sorti chez Claude et sa petite famille ; c’était très bien ( il fait un bon père, à m’en donner l’envie !) ; l’après-midi, visite à mon amie ; elle m’a reçu avec beaucoup de gentillesse ; il me faut bien ça pour oublier tout ce que j’ai enduré !Très affectueusement à tous  » 

 

Ainsi défilaient les jours ; le printemps arrivait, tout tranquille ! A cause de cette tante, il était connu dans tout l’hôpital ! Car c’est un personnage, cette Julia Bouvier ! Une «  commandeuse » ; et ce neveu, lui ressemblait-il ? Sur beaucoup de points, oui, sauf un : la décontraction, son comporte-ment fantaisiste et toujours, semblait-t-il, de bonne humeur ( il en faisait même un peu trop, mais c’était pour faire plaisir à cette tante ; qu’elle soit fière de lui ). Et c’était le cas : elle semblait aux anges d’avoir ainsi, près d’elle, un tel officier de réserve : son neveu !



Mais…car il y en avait un ! La remise en route au plan psychologique n’allait pas assez vite à son gré ! Il ne cessait de répéter au « psy » qu’il se sentait bien ; la réponse ne variait guère : --oui, ça va mieux, mais on attend encore un peu ! Il avait repris la révision de ses cours de droit. Mais survint un incident ( assez fâcheux, au point de le faire rechuter dans sa mélancolie) : à sa visite chez son amie, elle n’avait pas osé lui dire qu’elle avait refait sa vie ; elle avait préféré le lui écrire ! Aussi, il voulut la revoir une dernière fois ; se présentant chez elle ; après hésitation -- minute qui lui parut, là, devant sa porte, une éternité  -- elle accepta d’ouvrir et la porte et ses bras ! De vraies retrouvailles amoureuses, mais qui servaient d’adieu ! Il repartit alors, un paquet sous le bras ! Toutes ses lettres qu’il avait envoyées et qu’elle avait conservées pour les lui rendre à son retour ! Aussitôt arrivé à l’hôpital, il les détruisit sans les regarder ! Découragé, mais comprenant !

Fort opportunément, le passage en chirurgie s’imposait ; et, après l’opération, il fut placé dans une chambrée, ce qui le sauva ; car se trouvaient avec lui 7 blessés ( 7 « garnements », disaient les belles infirmières, qu’ils chahutaient ; elles en étaient ravies, très attentionnées envers ces jeunes tout au-réolés de « gloire » ; il y avait la belle Suzanne, grande, cheveux noirs, yeux bleus, qui plaisait à chacun ; bien sur , les uns et les autres auraient bien voulu la garder chacun pour soi, mais impos-sible : le service, sa conscience professionnelle et aussi un surcroît de sympathie, voire d’affection, pour le plus gravement atteint, un beau sous-lieutenant, à la jambe coupée, mais restant plein de courage et d’enthousiasme ! La belle infirmière lui réservait -- c’était bien compréhensible -- ses sourires et toute sa séduction, belle, attirante en diable, « nue » sous sa blouse blanche ( car, cela allait de soi, à la question de l’un des « garnements » : --vous croyez qu’elle est toute nue sous sa blouse, tous avaient répondu :oui ).Et celui qui arrivait de la « chirurgie » se devait de ne pas être à la traîne, il se retrouvait, comme chez les chasseurs alpins, pendant la formation EOR, soucieux de faire rire par toutes sortes de facéties, telle celle du « singe » : il sortait alors de son lit et, tout recro-quevillé, sa chemise ¾ flottante, faisant des petits sauts à travers la chambrée, avec …un tuyau d’ une dizaine de centimètres lui pendouillant de l’anus ; le succès était garanti, c’était un quart d’heu-re de rigolade, lui par contre se tenant le ventre, ne devant pas rire mais ne pouvant s’en empêcher !

Et le 7 avril 1962, jour béni : c’est la sortie ! Adieux émus aux autres de la chambrée, aux infir-mières, à la belle Suzanne et …direction la ville !

Aussitôt, les premières recherches d’un logement ; puis visite chez le médecin pour l’obtention d’ un certificat destiné à l’ inscription au « resto universitaire médico-social » ; et ce furent les retrou-vailles avec les camarades de Fac (mais surtout les filles, car la plupart des garçons avaient disparu avec leur départ à l’armée) :

 -- vous voyez, comme vous me l’aviez demandé, j’ai pensé « à sauver ma peau » !

 

Mais une hospitalisation – de contrôle -- s’imposait encore ; et « reconnu médicalement apte à être libéré, renvoyé dans ses foyers et rayé des contrôles de l’armée active au 1ermai 1962 ».

 

 TERME D’UNE INTERRUPTION DE PARCOURS UNIVERSITAIRE DE 2 ANS ET DEMI ! 

 

Il y aura encore quelques formalités à régler :

 -- mise en non-disponibilité pour infirmité temporaire

 -- promotion au grade de lieutenant

 -- rayé des cadres de l’armée et admission à l’honorariat

 -- octroi de la médaille commémorative des opérations de maintien de l’ordre  en Algérie

 -- attribution d’ une pension d’ incapacité pour maladie contractée en service

  Et voilà ! Une autre vie va commencer ! Mais, l’oubli sera difficile, impossible ; les nuits resteront saccagées par de cauchemars, souvent violents !

Plus tard, il écrira à Historia et au Président de la République, avec l’envoi d’ un court récit et sur-tout des documents concernant son action pendant le putsch !

 Revivant à chaque fois, et avec tristesse, toutes les péripéties de là-bas, la solitude du chef de poste, les opérations, les patrouilles d’embuscade de nuit, les escortes, le regard fermé d’hommes passant pour être proches de la rébellion, le putsch, l’autorité tatillonne de certains supérieurs, la difficulté de « commander » tout en restant « décontracté » etc…

  Plus tard encore, il créera à Vailly, sa commune d'origine -- dans ce beau Chablais, dans ces majestueuses montagnes au-dessus du Lac Léman --, une association des "anciens d'AFN", leur offrant un drapeau tout neuf ; puis, il s'en ira, restant président d'honneur !

  " l'existence du soldat est, après la peine de mort, la trace la plus douloureuse de barbarie qui subsiste parmi les hommes " ( A. de Vigny, Servitude et grandeurs militaires ) 

 

                      


Suppléments et épilogue


Pentecôte 2010 : c'est le temps du festival du cinéma, à Cannes :

 grand moment international de détente, de découverte de films nouveaux ...Et, cette année.... boum ! Une grosse contrariété : à propos de quoi ? Eh bien, de l' Algérie -- ou plutôt de deux films sur l' Algérie, dont l'un a soulevé  contestation et colère ! Comme quoi, rien n' est oublié, de l'his-toire des relations entre ce Pays et la France, qui ont été si difficiles par le passé !

     Ci-joint un petit montage d'extraits de journaux :

concernant les infirmières d'abord :

1 )  marie-Anne :


 

                 

 Dynamique et serviable, elle avait beaucoup de contacts : avec les personnels de santé, avec l’ar-mée, avec les Algériens ; et, qui peut le savoir, peut-être aussi avec le FLN ( ou, du moins, ses res-ponsables du service hospitalier s’étaient-ils assurés par des garanties) ; sinon, comment une infir-mière pouvait-elle se déplacer en jeep, hors du territoire protégé de la ville, seule avec un chauffeur.

Cet aspect a été évoqué par Historia :

 

« …Tizi-Ouzou, une région qu’on dit pacifiée, mais où il ne fait pas bon de circuler sans escorte militaire ; seuls en fait les cars et les camions de ceux qui paient une redevance au FLN  échappent aux attaques des  moudjahidines… » ( convoi pour Tidmimime )

 

A mes questions, elle répondait toujours, rieuse, qu’elle avait confiance dans son étoile ! Y avait-il place dans sa vie si remplie pour un grand amour ? C’était la question que je me posais parfois, une fois revenu dans mon poste et retombées les émotions des retrouvailles et de nos plaisirs :  -- peut-être pas,me disais-je,car elle savait que j’allais repartir et qu’elle resterait à Tizi, trop investie dans cet emploi, qu’elle prenait pour une mission. J’étais tout de même très fier d’être l’élu de son cœur. Et par la suite, il me fut impossible de savoir pourquoi elle avait décidé de faire un enfant ! « Ce sera mon enfant », m’avait-elle répété ;  d’ailleurs, assez souvent nous avions plaisanté, lors de nos chaudes soirées, sur son désir d’être mère hors mariage ; «  devenir mère célibataire, ne me poserait aucun problème »,me disait-elle en riant. J’étais bluffé, moi qui tenais tant à passer pour un anticonformis-te, un hors la loi ! En fait, cela me choquait un peu qu’une femme puisse parler ainsi ; cela bouscu-lait mes principes reçus de mon éducation, que je m’efforçais de cacher, mais qui étaient bien anc-rés. C’est à l’hôpital d’ Alger qu’elle vint m’annoncer sa maternité. Très affaibli par les médica-ments  -- pour une cure de sommeil --, je n’ai pas du être très attentif à ses propos et confidences. Ne m’étant pas vraiment rendu compte, ce n’est qu’une fois à Lyon que, reposé, j’ai commencé à réaliser. Il ne me fut pas difficile de renouveler mes déclarations de soutien à la mère pour cet en-fant ; dans l’esprit qui avait été le mien tout au long de notre relation en Kabylie. Un nouveau sen-timent prévalait toutefois : entrer au plus vite dans la vie professionnelle et oublier cette parenthèse militaire ; et sur le plan humain, pas d’envie de créer une famille ; pas encore du moins ! Persuadé que j’étais que Marie-Anne s’installerait en Algérie, très vite dans une nouvelle vie, et sans moi ; donc, sans perdre le contact, je m’éloignais alors d’elle, terrassé par le choc de ces 30 mois de vie militaire, si difficile et qui m’avait beaucoup marqué ! Je fis l’amalgame avec cette autre rupture qui m’était imposée, par Jeanine, qui préférait rester seule avec l’enfant de son mari décédé prématuré-ment ; -- dans les deux cas,me disais-je, je n’ai été qu’une parenthèse !

 

Il ne me restait alors qu’à me remettre au travail -- ré-apprentissage du droit avec cours en Fac, en vue de la préparation d’un doctorat -- et obtenir des petits bouleaux pour mes besoins ( très modes-tes) . Mes cauchemars agitant toujours mes nuits, je m’échappais au pays savoyard ; ma mère ne manquait pas de me dire combien elle était heureuse de recevoir mes lettres, qu’elle avait gardées précieusement ; certaines l’avaient bien fait rire, me dit-elle une fois : celles justement, dans lesquelles je lui parlai de mes amourettes tizi-ouziènnes ; elle m’en ressortit deux, qu’il me fallut alors  lui commenter ; la première :« quant à mes sorties nocturnes en ville, ne crains rien, maman, je fais très attention et lorsque je rentre à mon poste, j’emprunte une rue où il y a des soldats toute la nuit ; donc aucun danger… » ; ce n’était pas tout à fait exact, mais je n’allais pas lui avouer que je courrai des risques ; la seconde était plus légère : « il est 9 h 30 ; je fais un peu de gym et cet après-midi, je retrouve mes amis civils ; demain matin, je me lèverai tôt pour foncer dans une pâtisserie chercher quelques croissants ; et, hop ! chez mon amie…direct dans son lit ; elle m’apportera alors un bon café au lait que nous dégusterons avec les croissants chauds… » ; encore un commentaire un peu plus loin :

 « …merci, maman, pour ton beau colis ! le jambon excellent est déjà terminé : je l’ai apporté chez mon amie immédiatement ; elle nous a fait des omelettes au jabon ; aussi bonnes que les tiennes… » ; mais, plus loin, c’était la tristesse qui reprenait le dessus : « il est temps que je m’en aille, car je ne supporte plus rien ; mes camarades m’agacent, mon capitaine avec qui je ne sympathise pas du tout, s’en étonne, lui qui se veut comme un bon père de famille ! j’en ai plus qu’assez » !

Ce qui fut dommage, c’est que Marie-Anne, malgré sa gentillesse, sa patience, ne put contrer l’ap-proche de cette dépression qui le terrassa, le s/lt de Taboudrist  ! Elle fut prise dans son rejet de tout l’épisode de vie militaire franco-kabyle. Hélas !  

 

 

2 )  Demax :


  Impossible de ne pas examiner ses commentaires, écrits à la lecture de mon manuscrit ; je me suis, pour ma part, délecté, appréciant son ironie teintée d’ amitié ! « Mais,reconnaît Jéjé, d'abord, un grand  merci à lui, pour le soutien moral, qu’il m’a apporté de novembre 59 à mai 62 » .

Voici donc, son troisième commentaire : sur ses prestations militaro-pacifiques ….

( vous vous souvenez de son attitude dans la chambrée à Modane ? pour ma part je le revoie encore, toujours le verbe haut ….intéressé et intéressant, toujours,

un personnage, ce Demax dit « René » ! Toujours là pour faire le pitre avec Jéjé




écrivant sur son Jéjé :




Ah, sacré Demax ! Ce n'est pas très populaire cette manière d'écrire ! On sent bien que tu as retrouvé ton personnage et ton style, celui de membre d'une illustre famille … c'est bien ! Aussi,je te montre qui était Jos en 62 ( allez, entrouvrons la porte de la chambrette :  

Jos qui s'en ira, seule comme une grande, vers sa destinée de femme, une fois parvenue à l'âge adulte …


Ce « retour à la vie civile »,

il ne se fit pas sans mal ! Heureusement, il y avait en soutien ... Jos , Mimi et les autres !  

     Ici : « Jos »



en définitive, il s'amorça très bien, grâce aux copains et surtout à 2 amies qui le resteront ensuite... en 63, elles sont hôtesses de l'air stagiaires à AIR FRANCE 


reprise des études de droit et départ pour la grande aventure professionnelle

  

°  LYON

Reprendre des études après pareille interruption, plus facile à dire qu’à faire ! A mon sens, il est nécessaire d’abord de retrouver un petit emploi, si possible avec de la consistance, pas une simple manutention ! Ou du «  pionnicat » ! Donc, poussé par un fort besoin de « travailler », après plus de deux ans de « sans travail », impulsé sans doute aussi par l’exemple des père et grands-pères, tous de rudes travailleurs de montagne, animé par une soif de réussite ( non au sans de carrière en vue ; mais une recherche d’activité équilibrante pour son psychisme -- être bien dans ma peau avec un travail intéressant et utile pour la société), il se mit en route, avec l'état d'esprit d'un Guillaume d’Orange :  « point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ».


Dès octobre, ce sera un emploi du temps chargé : des cours en Fac, des travaux pratiques, un job correspondant à ce qu'il voulait devenir : un collaborateur actif, dynamique, administratif certes, mais avec une orientation commerciale, relationnelle plutôt, aucun souci pour le salaire ! Pour la mise dans le bain, avec le soutien de son copain Claude, un temps de «  pionnicat », histoire de voir venir ; puis assez vite, un poste d’agent contractuel à l’INSEE  -- dans l’équipe chargée du re-censement industriel de 63 -- et, enfin, démarcheur aux AGF pour placer des contrats d’assurance- vie. Comment articuler tout ça ? Simple ! Au départ, retour à l’école des Métiers comme « pion » pour terminer l’année scolaire ; puis en octobre, mutation au lycée de Chaponay ( en centre ville et pas très loin de la Fac ) surveillant d’externat et chargé de cours d’ instruction civique -- ce qui lui a permis de reprendre pied ! Une opportunité se présentant, Claude et lui ne pouvaient pas ne pas la saisir: prendre ces emplois de vacataire à l’NSEE , au sein d’une petite équipe très estudiantine, pour mener à bien les opérations du recensement industriel  ( nécessitant de nombreux contacts avec les entreprises ). Arrivant dans l'organisme après les autres ( retardé par un arrêt médical ), quand il arriva au bureau, il se souvient de ces regards attentifs, curieux  surtout chez une jeune fille de l’équipe ( il apprit plus tard que Claude lui avait taillé un costume d’ « officier d’Algérie-des pitons kabyles, baroudeur- fonceur " etc… ; chacun, chacune, attendait donc l’arrivée du champion !). La jeune fille, toute timide, très jolie, sérieuse, déjà bien intégrée à l’équipe, « pro-tégée » par Claude ( qui s’était mis dans la tête de la lui « réserver » pour qu'il retrouve « goût à la vie », car ce Claude , il le couvait lui aussi son Jéjé!), vite associée à l’activité et au tempérament des joyeux drilles, qu'il impulsa, devenant rapidement sa collègue préférée . Mais comme ces deux emplois ne suffisaient pas à le « calmer », il prit en plus la charge de placer, en fin de journées et les samedis, de l’assurance-vie ; tirant les sonnettes , entre midi et 14 heures, puis le soir, après 18 heures ; assez dur, car système encore peu connu. Démarcheur donc ! Il se faisait très souvent rabrouer – mais il réussissait assez bien, tant son besoin de contact était fort. Mais, au bout d’un an, ce sera l’état d’esprit de ce groupe commercial qu'il ne supporterai plus, trop tendu vers l’appât du gain ( « faire du chiffre à tout prix » aurait pu être leur devise !), et il abandonna !

son gagne-pain assuré, son besoin de travailler assouvi, il pouvait se consacrer à fond à ses cours, préparant un DES ( diplôme d’ études supérieures) de droit public ; plus vieux, plus mur, il n’était plus le même étudiant qu’auparavant ; connu des professeurs pour son parcours en Algérie, ce qui lui valait une certaine bienveillance de leur part. Bref, le diplôme arriva sans problème ! Il pouvait aussitôt commencer la rédaction d’une thèse de doctorat.

Heureuse époque ! Aucun problème d’ emploi, c’était de plus le « temps des copains » ; une petite bande s’était reconstituée : cinéma, escapades en voiture, surboum …Toutefois, si la journée, c’était grisant, par contre la nuit : les cauchemars toujours là, les fantômes de la nuit… ; il lui fallait changer d’air, bouger encore, voir plus loin …Le moment était venu de PRENDRE LA ROUTE !

 

° PARIS :

  « Paris !…Que d’idées, bonnes ou mauvaises, dans ces deux syllabes ! Que de questions posées par demain, par hier… » ( G. Coulonges, les sabots d’Angèle)

  deux valises, un ou deux cartons, le tout dans le petit coffre de leur voiture et les voilà, Jos et lui, sur la route du Nord  ( « car nous avions pris cette grande décision : cheminer ensemble dans la vie » ). Ah  ce départ, cette fuite, devrais-je dire ! Dur, mais ô combien joyeuc ! en chantant…

  « qui n’a pas vu la route à l’aube, entre deux rangées d’arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est que l’espérance » ( G. Bernanos, monsieur Ouine )

  Arrivée mémorable à Paris, installation rapide dans un petit appartement de quartier…

               ( mais, là, commence une autre histoire )                

  Epilogue :


et toujours Jéjé :de nous confier

  Ah, si nous pouvions dire, comme notre grand poète Musset :" le plaisir des disputes, c'est de faire la paix..." et inciter tout le monde à l'admettre, ce serait épatant ! Hélas!!!

Là, ce serait plutôt: " à défaut du pardon, laisse venir l'oubli ..." ( Musset, toujours ) ou encore : " le meilleur que nous puissions attendre des hommes, c'est l'oubli ..." ( Mauriac) !

Mais, trêve de citations et revenons à notre sujet : je vous racontais mon vécu de cette guerre d' Al-gérie, si difficile à oublier ! Mais, fort heureusement, il y a cette Kabylie, si belle, si noble, où mon " service militaire" fut exécuté avec de si grands efforts ; mais, il reste dans ma mémoire, ce village de Taboudrist, presque au même niveau que celui de mon enfance : Marphoz... avec quelques images : les écoliers , une belle petite fille, peut-être la plus intelligente de sa classe , un moment de tristesse en « schouf », et une patrouille mémorable avec lraversée de l'oued malgré l'interdiction



                          à Taboudrist en éleveur de colombes ...

puis,  au Belloua ...en relaxe élévant cette fois des aiglons 

en manoeuvre, en patrouille et puis la détente

et encore des souvenirs qu'il faudrait oublier !



"oublier-oublier ! facile à dire , mais comment faire ? en abusant du " champagne oudinot"!!! 

et tout nous y ramène : le cinéma , l'actualité dans la presse, le passage du Capitaine à la télévision, FR3 …et sans oublier les ministres ex-beurettes !

Mais, aussi, difficile de ne pas suivre l'actualité algérienne, quand elle est sombre ....

  JE VOUS FAIS UN MONTAGE AVEC

LES TITRES DES ARTICLES DU PARISIEN …..



Vous ne pouvez que constater que ce n'est pas très gai !

( ne lire que les titres qui illustrent mon souci )   


mais avant d'en finir avec ce récit, dernier regard sur jébo, revenu dans sa commune d'origine 


 plus tard il y aura une décoration , à Vailly ( dont nous allons maintenant voir un texte rédigé par Jules du val d' hermone, là-haut dans le Chablais au-dessus du Lac de Thonon, et surtout d' Evian où prit fin cette bien funeste

«  GUERRE d' ALGERIE »


lui, il se souviendra toujours de ce périple énorme qu'il a dû accomplir 

il reçut sa décoration d' ancien d' AFN avec 3 autres de Vailly, sa commune jamais oubliée ..

et notre ex- s/lt de Taboudrist, devenu aujourd'hui lieutenant de réserve honoraire, se souvient toujours de cette tranche de vie avec les bons moments de ses « classes 59 2 B »

de l' Armée à Tizi-ouzou ,

et de la cérémonie de décoration à vailly … 

 

impossible de mettre le mot «  FIN » sans vous dire encore 2 choses ! Importantes !

« Le souvenir » , eh bien c'est loin d' être fini !


 lisez ce texte publié dans un n° spécial d' Historia qui revient sur « mile ans de divisions nationales » ! avec, vous pensez bien sur notre « guerre d' Algérie » ( « les Français contre les français » ! des plus intéressants ! ) ; je vous en rapporte un extrait qui nous indique bien qu'en Mars 2014 « le souvenir », eh bien il est toujours présent, hantant la mémoire plus particulièrement des «  anciens d' AFN » !




Tristesse …. et réflexion sur notre passé … sur les erreurs commises par nos gouvernants!


et «  notre Abdelaziz Bouteflika » qui entretient le suspense ! « le feuilleton », pourrions nous dire si je n'avais peur de réactions de susceptibilité froissée

 

                                           °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

et , aujourd'hui, 30 septembre 2023, à la St-Jérôme, notre " Jéjé" a bien vieilli et se trouve toujours vaillant ...